Déclaration de Fernando Hiraldo, Représentant résident du PNUD-Haïti, à l’occasion de la Journée internationale de la femme 2019

« Lapè ak pwogrè/devlopman se zafè fanm yo tou »

7 mars 2019

© UN Haïti

En cette Journée internationale de la femme, le PNUD-Haïti s'associe aux nombreux partenaires de développement pour réfléchir à la manière dont nous pouvons « Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement ». Ce thème international englobe le thème national choisi, « Lapè ak pwogrè/devlopman se zafè fanm yo tou », qui s'aligne étroitement sur la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité et souligne la nécessité d'innover pour le changement en Haïti.

Le terme innovation gagne en popularité dans le contexte du développement international - mais qu'est-ce que cela signifie exactement pour le développement d'Haïti ?

Pour moi, lorsque on parle d'innovation, on parle d'approches qui perturbent le statu quo.  On parle d'initiatives qui peuvent aider à transformer les normes stagnantes, y compris les normes liées au genre, qui entravent nos progrès vers un développement durable qui ne laisse personne de côté. L'innovation implique de prendre le risque de penser et d'agir en dehors des sentiers battus, et de faire les choses différemment qu'auparavant.

Avec cette définition à l'esprit, le thème de la Journée de 2019 nous amène à nous demander : quels sont les liens entre l'innovation, l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ?

Pour répondre à cette question, je me penche sur un certain nombre d'études récentes, en particulier celles menées par le secteur privé, qui ont montré que la diversité et l'inclusion sont souvent les principaux moteurs de l'innovation.  Par exemple, nous savons maintenant que les entreprises dont les conseils d'administration comprennent au moins une femme obtiennent systématiquement de meilleurs résultats que celles qui n'en ont pas.[1] Et nous avons appris que lorsqu'une organisation place des femmes à des postes de direction, elle est plus susceptible de multiplier ses revenus grâce à des produits et services novateurs.[2]

En fait, la diversité, l'inclusion et l'innovation sont plus imbriquées qu'on ne le pense. Et pourtant, ces corrélations sont souvent ignorées et les occasions de les intégrer dans les solutions de développement sont manquées.

En Haïti, des approches novatrices sont nécessaires pour briser le statu quo et accélérer les progrès vers les objectifs communs du Plan stratégique de développement du pays et du Programme de développement durable 2030.

Heureusement, Haïti dispose déjà d'une grande ressource pour l'innovation - celles qui démontrent leur intrépidité à prendre des risques en engageant leurs ressources et leur temps pour introduire de nouvelles méthodes de travail et pour transformer les normes.  Je parle, bien sûr, des femmes entrepreneures.

Il est un fait que les femmes représentent la majorité des entrepreneurs en Haïti : un recensement effectué par le Ministère du commerce et de l'industrie en 2013 montre que sur les 72 000 micro, petites et moyennes entreprises identifiées dans le pays, 62% sont dirigées par des femmes. En outre, les Madan Sara représentent la majorité des responsables de la distribution de la production agricole nationale en se déplaçant entre les marchés ruraux et urbains et entre les régions. Mais malgré leurs contributions, les femmes sont souvent laissées pour compte lorsqu'il s'agit de nourrir leur potentiel économique et de soutenir leur capacité d’innovation.

L'étude « Entrepreneures dans l'économie haïtienne : des marchés aux politiques publiques », publiée par le PNUD-Haïti en 2016, a permis de montrer que malgré leurs contributions remarquables à l'économie nationale, les femmes entrepreneures travaillent le plus souvent dans des conditions instables et imprévisibles, principalement dans le secteur informel, où elles ne sont couvertes par aucune protection sociale. Leurs revenus ne représentent qu'une fraction de ceux des hommes – en moyenne, les femmes gagnent 72 gourdes pour 100 gourdes gagnées par les hommes. Et en plus de leurs importantes activités génératrices de revenus, elles travaillent deux fois plus longtemps que les hommes dans la sphère domestique (28 heures par semaine, par rapport à 12) en s'occupant du foyer et de la famille.

Le PNUD-Haïti reconnaît la nécessité de promouvoir l'innovation et de faire avancer l'égalité des sexes, ainsi que le potentiel des femmes entrepreneures comme une ressource incomparable pour la croissance et le développement durable. Mais nous reconnaissons également qu’elles ne doivent pas être laissées seules pour porter le poids de l'économie sur leurs épaules. C'est pourquoi, en partenariat avec le Ministère du commerce et de l'industrie, le Ministère à la Condition féminine et aux Droits des femmes et l'Agence coréenne de coopération internationale (KOICA), nous avons lancé le projet « Autonomisation des femmes défavorisées : renforcement des capacités pour l'autonomisation économique des femmes en Haïti ». Grâce à ces partenariats, le PNUD-Haïti cherche à accroître la productivité, la rentabilité et l'innovation des entreprises appartenant à des entrepreneures, tout en appuyant le leadership économique des femmes et la réalisation de leurs droits humains.

Ce projet n'est qu'un des moyens par lesquels le PNUD-Haïti fait sa part pour aider le gouvernement et la société civile haïtiens à donner le coup d’envoi des efforts novateurs qui permettront au pays de réaliser sa vision pour 2030 et au-delà.

En cette Journée internationale de la femme, je vous invite à vous joindre à nos efforts pour faire en sorte que l'autonomisation des femmes soit à l'avant-garde des solutions novatrices pour le développement durable d'Haïti. Ce n'est qu'en mettant l'accent sur la diversité, l'inclusion et l'égalité des sexes que nous serons en mesure d'innover efficacement pour le changement.

[1] Selon un rapport du Credit Suisse Research Institute, publié en 2014.
[2] Selon une analyse réalisée par le Boston Consulting Group (BCG) et l'Université Technique de Munich en 2017.