Injuste et inéquitable : le nouveau rapport du PNUD met en lumière le mécontentement qui traverse l’Amérique latine et les Caraïbes

9 décembre 2019

New York, 9 décembre 2019 – Les manifestations qui secouent l’Amérique latine et les Caraïbes indiquent que, malgré des décennies de croissance économique et de prospérité, le sentiment d’injustice et de perte de dignité persiste, en particulier chez les classes moyennes et les groupes traditionnellement marginalisés.

C’est ce que soutient le Rapport sur le développement humain 2019 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), intitulé « Au-delà des revenus, des moyennes et du temps présent : les inégalités de développement humain au XXIe siècle ».

Ce Rapport sur le développement humain (RDH), qui introduit une nouvelle façon, plus holistique, de mesurer les progrès des pays au-delà de la seule croissance économique, révèle que, si les disparités de niveau de vie de base s’estompent et qu’un nombre sans précédent de personnes échappent à la pauvreté, à la faim et aux maladies, les conditions nécessaires à l’épanouissement ont évolué. Il se dessine une nouvelle génération d’inégalités autour des enjeux de la technologie, de l’éducation et de la crise climatique.

« Différents détonateurs poussent les populations à descendre dans la rue : le coût d’un billet de train, le prix de l’essence, les revendications politiques d’indépendance, la quête de l’égalité et de la justice. Ces manifestations sont une nouvelle expression des inégalités et, comme le fait ressortir le Rapport sur le développement humain, les inégalités ne sont pas sans solutions », déclare Achim Steiner, Administrateur du PNUD.

Le rapport indique que le sentiment d’inégalité concernant la répartition des richesses n’a cessé de croître depuis 2012 en Amérique latine et dans les Caraïbes, jusqu’à retourner au niveau de la fin des années 1990. Les inégalités dans le « bonheur autodéclaré » (également appelé « bien-être subjectif »), qui étaient restées stables dans la région jusqu’en 2014, sont désormais en augmentation.

Le Rapport analyse les inégalités en trois dimensions – au-delà des revenus, des moyennes et du temps présent – et propose une panoplie d’options politiques pour lutter contre ce phénomène.

Une histoire d’exclusion et une quête de la dignité

Si l’on prend les 50 pays où le développement humain est le plus élevé dans le monde, on constate que l’Argentine enregistre les plus fortes inégalités pour l’espérance de vie, tandis que le Chili affiche les plus grandes inégalités de revenus.

« La lutte contre les inégalités sert l’intérêt de tous », affirme Pedro Conceição, le directeur du Bureau du Rapport sur le développement humain au sein du PNUD. « Nous devons mettre fin au sophisme selon lequel plus de croissance génère plus d’inégalités, ou qu’une plus grande égalité se traduit immanquablement par une baisse de croissance. »

Selon le RDH, de nombreuses inégalités fondées sur l’appartenance à un groupe remontent à la période coloniale.

Une étude citée observe, par exemple, que l’origine ethnique réduit de 12 points de pourcentage les chances de sortir de la pauvreté au Mexique, tandis qu’elle accroît de 10 points la probabilité de retomber dans la pauvreté lorsqu’on est en situation de vulnérabilité.

« Les inégalités sont généralement associées à des modèles d’exclusion économique, sociale et politique. Ainsi, indépendamment de leur importance normative, elles génèrent des coûts sociaux et économiques importants pour la société », explique Luis Felipe López Calva, Sous-Secrétaire général des Nations Unies et directeur régional du PNUD pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

La dignité en tant qu’égalité de traitement et non-discrimination peut être beaucoup plus forte que les déséquilibres dans la répartition des revenus, affirme le rapport. Il s’appuie pour cela sur une enquête du PNUD réalisée au Chili en 2017, dans laquelle 53 % des personnes interrogées se disaient contrariées par les inégalités de revenus. Mais le mécontentement des répondants était beaucoup plus marqué face aux inégalités d’accès à la santé (68 %), à l’éducation (67 %) et à l’inégalité de respect et de dignité dans la manière dont les gens sont traités (66 %).

Cependant, il n’est pas facile d’intervenir sur le plan politique. Le rapport révèle que, dans toute la région, la classe moyenne paie plus qu’elle ne bénéficie des services sociaux. Cette situation, conjuguée à la perception d’une éducation et de services de santé de piètre qualité, peut alimenter une certaine résistance à la poursuite de l’expansion des politiques sociales. Il se dégage en conséquence une tendance à préférer les prestataires privés : en Amérique latine, la part des élèves qui fréquentent une école privée pour l’enseignement primaire est passée de 12 % en 1990 à 19 % en 2014. Plus la part du secteur privé est importante, plus la segmentation des services sociaux pour les différents groupes est significative.

Les nouveaux moteurs des résultats de développement

Le rapport identifie la technologie et le changement climatique comme les deux forces qui semblent devoir façonner les résultats de développement humain au cours du prochain siècle. Là encore, la région montre à la fois des avancées et des difficultés persistantes.

En matière de durabilité environnementale, par exemple, le rapport classe le Costa Rica dans le premier tercile mondial. La consommation de combustibles fossiles et la pollution de l’air intérieur sont parmi les plus faibles au monde.

Pour autant, il ressort clairement du rapport que la région reste vulnérable au changement climatique, surtout dans les petits états insulaires des tropiques. En 2019, les Bahamas ont été frappées par l’ouragan Dorian, le plus violent à s’être abattu sur le pays depuis le début de l’enregistrement de ces phénomènes en 1851. Parmi les communautés les plus durement touchées se trouvaient les bidonvilles, principalement peuplés d’immigrants haïtiens pauvres dont certains avaient fui le séisme dévastateur de 2010 survenu dans leur pays d’origine.

Au-delà des revenus, des moyennes et du temps présent

Le rapport recommande que soient menées des politiques qui tiennent compte des revenus sans s’y arrêter, en prévoyant des interventions qui démarrent avant la naissance et durent toute la vie. Il préconise pour cela d’investir avant le marché du travail dans l’apprentissage, la santé et la nutrition des jeunes enfants. Ce genre d’investissements doit accompagner les personnes tout au long de leur vie, lorsqu’elles sont actives sur le marché du travail et par la suite.

Le rapport considère par ailleurs que la fiscalité ne doit pas être abordée isolément, mais qu’elle doit être intégrée dans un système de politiques, notamment en matière de dépenses publiques de santé, d’éducation et d’alternatives à un mode de vie à forte intensité de carbone.
Le RDH estime que les moyennes masquent la réalité. Bien qu’elles soient utiles pour décrire la situation globale, nous devons absolument disposer d’informations plus détaillées pour élaborer les politiques efficaces de lutte contre les inégalités.

En se projetant au-delà du temps présent, le rapport se demande comment les inégalités évolueront à l’avenir, notamment à travers le prisme du changement climatique et de la transformation technologique.

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Dossier de diffusion RDH 2019 :
https://www.dropbox.com/sh/vl0qjm3g1nvcg4k/AABXqgDA86UkT9MLTjURmGE4a?dl=0

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