La réduction des inégalités à travers le monde : doublons nos efforts

Fernando Hiraldo, Programme des Nations Unies pour le développement, Représentant Résident, Haïti. © PNUD Haïti / Molière Solon

Dans presque tous les pays au monde, les grandes questions d’aujourd’hui par rapport à l’automatisation, à la concentration des fortunes, aux effets du changement climatiques et aux catastrophes naturelles poussent de plus en plus de personnes à exprimer leur mécontentement, leur insatisfaction et les angoisses qu’ils éprouvent face à un avenir de plus en plus sombre. Ceci met en évidence les grands défis entremêlés qui vont définir le XXIe siècle : celui de la crise climatique, de l'automatisation et de la destruction des emplois et des modèles de protection sociale tels que nous les connaissons depuis plus d’un demi-siècle, et des inégalités accentuées que ces phénomènes génèrent.

La crise environnementale, l'augmentation des prix et le manque d'emplois ne sont que quelques-uns des problèmes qui ont récemment suscité ces vagues de contestations dans le monde entier. Comme l’indique Pankaj Mishra dans son ouvrage intitulé L’âge de la colère publié de façon quasi prémonitoire en 2017, les gens ont de plus en plus le sentiment que les structures économiques et politiques ne servent pas les intérêts des peuples mais plutôt de ceux d’une élite mondialisée, et que les grands perdants de ce phénomène sont les personnes les plus défavorisées.

Les analyses contenues dans le nouveau Rapport mondial sur le développement humain du PNUD, établissent un diagnostique de la situation et présentent aux décideurs le choix de renverser les facteurs systémiques qui génèrent ces inégalités croissantes. En particulier, ce rapport documente comment il est possible d'éliminer simultanément les privations extrêmes tout en donnant à chacun les moyens de vivre dignement, de gérer les retombées du réchauffement de notre planète et de bénéficier des innovations qu’offrent l’intelligence artificielle et la robotique. En d’autres termes, ces recommandations vont dans le sens d’un modèle économique qui travaille pour le bien-être collectif et non plus pour une petite minorité de privilégiés.

L'augmentation des inégalités n'est pas inéluctable, mais il sera effectivement de plus en plus difficile de corriger la trajectoire autodestructrice actuelle dans laquelle s’est engagée l'humanité. La crise climatique frappe déjà les communautés les plus défavorisées, qui sont généralement celles qui ne bénéficient pas d’une une formation universitaire qui leur permettrait de sortir des trappes à pauvreté dans les lesquelles elles se trouvent. Il va sans dire que même les besoins humains les plus élémentaires ne sont pas toujours satisfaits pour beaucoup d’entre elles.

Les chances de chaque individu sont clairement stratifiées, de diverses façons, selon le sexe, l'origine ethnique, la langue, la classe sociale et l'orientation sexuelle, pour n'en nommer que quelques-unes. Les femmes représentent le plus grand groupe systématiquement désavantagé dans le monde entier et sont confrontées à des résistances provoquées par leur plus grande autonomie. Le nouveau rapport de l'ONU analyse comment la proportion de personnes opposées à au moins une forme d'égalité entre les sexes a augmenté au cours de la décennie 2005-2014 dans la moitié des 77 pays évalués, passant à 90 % des hommes et 86 % des femmes. En outre, plus le pouvoir est en jeu, plus la résistance devient forte, une femme se heurtant à une opposition plus intense pour se présenter aux élections que pour voter.

Ces statistiques ne représentent qu'une des nombreuses facettes des inégalités aussi omniprésentes que pernicieuses qui existent dans le monde et qui engendrent frustration et ressentiment. La question à laquelle nous devons répondre est alors : Compte tenu de l'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés, comment pouvons-nous et devons-nous agir ?

Pour commencer, un revenu national relativement faible ne constitue en rien une excuse ou un prétexte pour s’accommoder du statuquo et pour rester dans l'inaction. Les pays disposant de moins de ressources pourraient par exemple s'inspirer des réformes entreprises par l'Éthiopie, qui a déployé l'éducation pré-primaire dans tout le pays. Cela lui a valu une double victoire en facilitant le développement de la petite enfance et en libérant le temps des mères, afin qu'elles puissent intégrer la population active si elles le souhaitent. Un large éventail de pays disposant d'une grande variété de systèmes de protection sociale - allant du Bangladesh, du Brésil, de l'Ethiopie, de la France, du Ghana, de l'Indonésie, du Japon, du Japon, du Pérou, du Rwanda, de la Thaïlande, de la Turquie et du Vietnam - ont tous travaillé pour créer ou étendre leurs programmes de couverture santé universelle.

Je suis fier de dire que le PNUD continuera son travail en Haiti sur l’inclusion des femmes entrepreneures dans le marché formel ; la réduction de la marginalisation économique, particulièrement des femmes et des jeunes ; la réduction de la pauvreté et l’inégalité ; et la promotion du développement soutenu et durable. Nous investirons également dans des efforts de plaidoyer   en faveur d’un remodelage en profondeur de la politique fiscale ; la promotion d’une orientation des dépenses vers des politiques sociales pro-pauvres ; la plus grande valorisation du monde rural et du secteur de l’agriculture ; l’amélioration des infrastructures sociales, et ainsi, contribuer à réduire graduellement l’inégalité.

Toutefois, les pays ne pourront pas vaincre les inégalités seuls à eux seuls. Comme pour la crise climatique, l'action collective est un élément essentiel de la solution. Par exemple, une collaboration internationale sera nécessaire mieux répondre à la problématique du changement climatique ; pour lutter contre l'évasion fiscale et prévenir une concurrence fiscale accrue en matière d'impôt des sociétés et de normes environnementales. En outre, de nouvelles normes doivent être élaborées pour faire en sorte que les nouvelles générations d'entreprises numériques rendent les marchés plus efficaces, respectent la réglementation du travail et paient leur juste part d'impôts.

En ce qui concerne l'égalité des sexes, les politiques devraient viser à modifier les normes sociales et à éliminer la discrimination grâce aux politiques d'éducation, la sensibilisation et la modification des incitations sur les marchés du travail. Afin que les dernières innovations technologiques bénéficient au plus grand nombre, le PNUD espère voir davantage de mesures telles que la gratuité de la bande passante et la constitution de dossiers médicaux électroniques pour mieux cibler les personnes les plus éloignées.

Pour en revenir au sentiment de désenchantement et de dépossession qu’on a vu à multiples reprises dans multiples pays dans le monde cette année, les dirigeants doivent redoubler d'efforts pour éliminer les obstacles aliénants qui empêchent leurs citoyens d'obtenir la vie qu'ils veulent pour eux-mêmes. Les gouvernements doivent mener des réformes radicales pour permettre à leurs citoyens de s'épanouir plutôt que de simplement survivre dans une ère de crise climatique et de transformation technologique. Sans quoi, on pourrait voir à travers le monde une décennie d'agitation et d'incertitude.

Dans ce contexte, Haïti, doit impérativement, comme chaque pays le doit, mesurer l’ampleur des défis que le pays affronte et saisir toute opportunité pour introduire les réformes nécessaires pour une croissance inclusive et durable.

Nous insistons que la croissance des inégalités ne soit pas inévitable. Au PNUD, nous sommes prêts à aider le gouvernement à faire et à mettre en œuvre les choix nécessaires pour assurer que personne ne soit laissé de côté - aujourd'hui et à l'avenir. -

Fernando Hiraldo

Programme des Nations Unies pour le développement

Représentant Résident, Haïti

@HiraldoFernando